Dans le cadre de l'examen du projet de loi portant sur la maîtrise de l'immigration, l'intégration et l'asile, le député Thierry Mariani vient de déposer un amendement proposant le recours aux empreintes génétiques par le demandeur d'un visa de long séjour pour raison familiale. Au-delà de la polémique, de quoi s'agit-il ?
Un récent rapport du sénateur de la Haute-Loire Adrien Gouteyron indiquait que la fraude documentaire est devenue un phénomène endémique dans certaines régions du monde. D'après les chiffres du ministère des Affaires étrangères, « 30 à 80 % des actes vérifiés sont frauduleux dans des pays tels que le Sénégal, la Côte d'Ivoire, les deux Congo, le Togo, Madagascar ou les Comores ».
L'ampleur de ce phénomène était également identifiée en 2006 par l'ancien député Patrick Delnatte dans son rapport sur le projet de loi relatif à la validité des mariages.
La fraude aux actes de l'état civil se manifeste par la production auprès des autorités françaises de documents falsifiés ou frauduleux, délivrés avec la complicité des autorités locales, ainsi que de jugements supplétifs ou rectificatifs concernant des naissances ou des filiations fictives et des reconnaissances mensongères d'enfants. Dans ces conditions, les autorités diplomatiques et consulaires ont le plus grand mal à s'assurer de l'existence d'une filiation légalement établie, ce qui encourage la fraude dans le cadre du regroupement familial ou du rapprochement familial demandé par les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire.
Confrontés au même problème, onze pays européens utilisent la technique complémentaire de la comparaison des empreintes génétiques pour établir l'existence d'une filiation génétique. Les représentants de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France signalent un risque d'afflux vers nos postes des demandes qui se détournent désormais de nos partenaires européens ayant mis en place des tests ADN.
Afin que le doute portant sur ces actes d'état civil n'entraîne pas un rejet systématique des demandes, l'amendement propose de permettre au demandeur d'un visa la faculté de solliciter la comparaison, à ses frais, de ses empreintes génétiques ou de celles de son conjoint avec celles des enfants mineurs visés par la demande de regroupement familial (article L. 411-1 du CESEDA) ou de rapprochement familial (articles L. 313-13 et L. 314-11 du CESEDA).
L'article L. 111-6 du CESEDA relatif à la vérification des actes d'état-civil étrangers par les postes diplomatiques et consulaires serait donc modifié afin d'autoriser l'utilisation de cette technique complémentaire. Par ailleurs, il est nécessaire de modifier l'article 226-28 du Code pénal qui prévoit les cas dans lesquels il est possible d'avoir recours à la recherche d'empreintes génétiques.
Le dispositif envisagé ne remet d'ailleurs aucunement en cause les droits de l'étranger demandeur :
- il ne pourrait être mise en œuvre qu'à l'initiative du demandeur et ne pourrait donc pas lui être imposée : elle lui permettra alors de prouver sa bonne foi et d'accélérer la procédure lorsqu'il est ressortissant d'un pays dont l'état civil est balbutiant ;
- pour les réfugiés statutaires, il constituerait une garantie puisque ceux-ci dépendent aujourd'hui de la bonne volonté des autorités des pays qu'ils ont fuis pour l'obtention des documents nécessaires au rapprochement familial ;
- il ne remet pas en cause le principe selon lequel la filiation est valable, même si elle n'est pas établie avec les deux parents. Le dispositif prévoit donc explicitement que la filiation pourra n'être établie qu'avec l'un des deux parents. D'ailleurs l'article L. 411-2 du CESEDA prévoit que le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs du demandeur ou de son conjoint ;
- il ne remet pas non plus en cause la possibilité d'accueillir en France les enfants adoptés par le demandeur qui auront fait l'objet d'une décision d'une juridiction. Les dispositions de l'article L. 411-3 du CESEDA concernant la venue en France d'enfants pour lesquels le demandeur disposent de l'exercice d'une autorité parentale en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère restent également inchangées.
Source : Nouvelle Société
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